Rapport Besoins recherche Nutrition et Cancers

Les besoins en recherche et en santé publique en matière de nutrition et cancers : consultation au sein du Réseau NACRe

A l’occasion de la rédaction de sa nouvelle feuille de route, certains experts du Réseau NACRe ont remonté des besoins en recherche et en santé publique. La cellule de coordination du Réseau s’est donc emparée de ces premiers résultats, afin de les compléter avec une consultation plus poussée des équipes du Réseau, et d’un travail bibliographique.

Contexte

Les chiffres de l’Institut national du cancer estiment que 40%[1] des cas de cancer en France sont évitables, dont la moitié qui seraient attribuables à des facteurs nutritionnels [2] [3]. Suivre les recommandations nutritionnelles permettrait de réduire le risque d’apparition de certains cancers. Or, avec les bouleversements récents du paysage alimentaire, des pratiques agricoles, du paysage démographique et socio-économique, de la transformation des matières premières, des habitudes de consommation, les récentes découvertes biologiques (le rôle du microbiote, les effets cocktails des pesticides, etc.) et le développement des outils de recherche (cohortes, organoïdes, technologies, etc.), de nouveaux enjeux ont émergé et les possibilités de recherche en nutrition et cancers ont considérablement augmenté. Ce rapport résumé ci-dessous, souligne les besoins en termes de recherche et de santé publique répondant à des enjeux majeures de prévention et de prise en charge des cancers.

Méthodologie

Un questionnaire a été envoyé aux 44 équipes du Réseau NACRe afin de collecter les principaux besoins dans leur champ de recherche (au sein de la thématique nutrition et cancers) ainsi que les principaux enjeux, défis et innovations de demain selon eux.

Les résultats ont été traités et analysés afin d’identifier des thématiques et d’en extraire des grandes tendances. Une analyse bibliographique a permis de hiérarchiser les besoins et de les contextualiser.

Ce travail servira à la restructuration stratégique des missions du Réseau, en concertation avec ses partenaires, afin de mieux répondre à ces enjeux. Un rapport plus complet a donc été remis à l’Institut national du cancer, qui soutient le Réseau depuis 2005, pour présenter les actions prévues ou déjà mises en place par le Réseau afin de répondre à ces besoins.

Besoins en termes de recherche

Recherche expérimentale et épidémiologique

Depuis l’arrivée des supermarchés dans les années 1970, et donc des produits industriels, le paysage alimentaire a été bouleversé. De nouveaux ingrédients se sont petit à petit intégrés à la consommation quotidienne des français (colorants, conservateurs, émulsifiants, etc.), ainsi que des contaminants nouveaux, avec l’usage massif du plastique (pour les contenants alimentaires) et des pesticides. En parallèle, les habitudes alimentaires des français ont évolué, cela étant lié à plusieurs facteurs comme le mode de vie occidentalisé, le contexte économique et environnemental, ainsi que l’explosion des réseaux sociaux qui ont contribué à la diffusion d’informations sur les vertus de certains aliments, du jeûne, de régimes restrictifs, etc.

Ces comportements émergents pourraient contenir des facteurs de risque ou protecteurs qui sont à identifier. De même, les effets cocktails et les synergies potentielles entre les molécules ingérées, ainsi que les mécanismes sous-jacents, restent à déterminer.

La nutrition et son impact sur la santé étant notamment modulés par divers paramètres propres à chaque individu (niveau de pratique d’activité physique et de sédentarité, qualité et diversité du microbiote intestinal, composition corporelle, mode de vie, polymorphismes génétiques, etc.), des ponts entre les différentes équipes de recherche doivent être encouragés pour aboutir à une compréhension plus systémique de l’impact de l’alimentation sur la santé.

Au sein même de la recherche, l’amélioration de la qualité des outils doit être soutenue et accompagnée, en particulier : les modèles alternatifs, la collecte des données alimentaires détaillées dans les cohortes avec des outils numériques innovants et plus simples à utiliser, les échantillons biologiques répétés, etc. Toujours dans cette volonté de compréhension systémique, la compilation de l’ensemble de ces données dans un exposome alimentaire est donc nécessaire et doit être soutenue.

Recherche clinique

Dans le cas de la recherche chez les patients, et bien que les cohortes actuelles soient déjà de bonne qualité, certains aspects pourraient être améliorés comme la durée de suivi des individus/patients des cohortes, le codage des données cliniques et hospitalières ou encore le nombre de personnes recrutées. Pour cela, un des leviers identifiés est le renforcement de la collaboration entre les chercheurs et les cliniciens, au contact direct des patients. Le recrutement de patients dans le cadre d’essais contrôlés randomisés dédiés à la nutrition et l’activité physique adapté se heurte à divers obstacles. Le soutien de la mise en place des ces études est à renforcer.

En pratique, toutes les actions de prévention et de prise en charge des patients doivent être davantage adaptées à la réalité de l’individu. En termes de dépistage, les programmes doivent prendre en compte les problématiques propres à la population ciblée. Concernant la prise en charge des patients, la médecine et la prévention personnalisées sont de véritables enjeux pour augmenter les chances de guérison, et diminuer les risques de récidive, et nécessitent notamment l’identification de tous les biomarqueurs pertinents. Des recommandations adaptées et basées sur les preuves scientifiques doivent être formulées pendant et après les cancers, et doivent davantage intégrer les programmes d’activité physique adaptée et nutritionnels, dont l’impact positif sur la qualité de vie et l’efficacité des traitements pendant certains cancers a été démontré.

Besoins en termes de santé publique

Empowerment de la population

Un des enjeux majeurs de notre siècle est le changement des comportements alimentaires, le régime occidental étant associé à diverses maladies, notamment le cancer[4], ainsi qu’à une empreinte carbone élevée[5]. Le soutien aux sciences humaines et sociales est donc primordial pour identifier les leviers à mobiliser pour encourager les citoyens à transitionner vers des habitudes alimentaires plus saines pour la santé et la planète. Les campagnes de prévention doivent également être renforcées, pour d’une part lutter contre les fake news propagées par les réseaux sociaux, et d’autres part s’adapter aux contextes locaux (en particulier pour les régions et départements d’Outre-Mer). Des démarches « Aller vers » pour cibler les populations défavorisées doivent être mises en place. Enfin, le pouvoir d’achat et l’offre alimentaire variant grandement entre les territoires, il apparait nécessaire de développer davantage de programmes de co-construction des actions de sensibilisation de terrain auprès des différentes populations, notamment les plus précaires, et de renforcer la recherche interventionnelle en santé publique.

Transformer l’environnement

L’environnement actuel est peu propice au suivi des recommandations de santé publique, notamment à cause de la publicité omniprésente. Les projets de loi visant à la limiter doivent être soutenus, et en priorité ceux concernant le marketing alimentaire à destination des enfants, l’obésité infantile étant un enjeu de santé publique[6]. L’offre alimentaire doit également être améliorée, et pour cela, les outils tels que le Nutri-Score ou les taxes ont démontré leur efficacité et doivent être encouragés. Les nudge, notamment via les campagnes de sensibilisation, doivent être soutenus car contribuent à l’augmentation de l’adhésion aux recommandations de santé publique. L’intégration de toutes les parties prenantes de la société aux projets de transformation de l’environnement dans une logique de co-construction est également un levier pertinent dans le cadre de l’augmentation de l’adhésion aux recommandations.

Pour en savoir plus

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Références

[1] Institut National du Cancer. Panorama des cancers en France. Edition 2023. Accessible sur : https://www.e-cancer.fr/Expertises-et-publications/Catalogue-des-publications/Panorama-des-cancers-en-France-edition-2023

[2] Centre international de recherche sur le Cancer. Les cancers attribuables au mode de vie et à l’environnement en France métropolitaine. 2018. Accessible sur : https://gco.iarc.fr/includes/PAF/PAF_FR_report.pdf

[3] Détail (2018) des facteurs nutritionnels impliqués dans les nouveaux cas de cancers annuels (30 ans et plus) : alcool 28 000 nouveaux cas, alimentation déséquilibrée 19 000, surpoids / obésité 19 000, manque d’activité physique 3 000, allaitement 1 600.

[4] Inserm. La consommation d’aliments ultra-transformés est-elle liée à un risque de cancer ? Mars 2018. Accessible ici : https://www.inserm.fr/actualite/consommation-aliments-ultra-transformes-est-elle-liee-risque-cancer/

[5] Willett W, Rockström J, Loken B, Springmann M, Lang T, Vermeulen S, Garnett T, Tilman D, DeClerck F, Wood A, et al. Food in the Anthropocene: the EAT-Lancet Commission on healthy diets from sustainable food systems. Lancet. 2019 Feb 2;393(10170):447-492. doi: 10.1016/S0140-6736(18)31788-4. Epub 2019 Jan 16.

[6] OMS. L’obésité reste élevée chez les enfants de la Région européenne : un nouveau rapport de l’OMS présente les dernières données par pays. Novembre 2022. Accessible ici : https://www.who.int/europe/fr/news/item/08-11-2022-childhood-obesity-in-european-region-remains-high--new-who-report-presents-latest-country-data#:~:text=Dans%20l'ensemble%2C%2029%20%25,chez%20les%20filles%20(28%20%25)

Date de modification : 10 avril 2024 | Date de création : 02 avril 2024 | Rédaction : NACRe