Alcool et cancer

Alcool et risque de cancer, les principales données

Un rapport récent du Centre International de Recherche contre le Cancer (CIRC) a estimé qu’en France, sur les 346 000 nouveaux cas de cancer de l’année 2015, 28 000 étaient attribuables à la consommation d’alcool, soit 8 % des nouveaux cas (8,5 % chez les hommes et 7,5 % chez les femmes). L’alcool est ainsi le second facteur de risque évitable de cancer après le tabac [1].

Fact nut - alcool

Lien entre alcool et cancer

Niveau de preuve scientifique

De nombreux rapports d’expertise scientifique internationaux et français ont établi un lien entre la consommation d’alcool et le risque de développer un cancer.

Dès 1988, le CIRC a classé les boissons alcoolisées comme cancérogènes pour l’homme (Groupe 1). Cette conclusion a été confirmée lors des réévaluations de 2010 et 2012 [2,3,4].

En France, une expertise collective coordonnée par l’Institut National du Cancer (INCa) en 2015, a confirmé le résultat de ces évaluations, en concluant à une augmentation convaincante ou probable du risque de cancer pour plusieurs localisations, associée à la consommation de boissons alcoolisées [5].

Enfin, ces résultats sont concordants avec ceux du dernier rapport d’expertise scientifique du World Cancer Research Fund (WCRF) et de l’American Institute for Cancer Research (AICR) publié en 2018. A nouveau, celui-ci établit un niveau de preuve convaincant ou probable pour l’augmentation du risque de cancer pour plusieurs localisations, associée à la consommation de boissons alcoolisées [6].

Localisation de cancers - Consommation alcool France 2019

Il n’existe pas de seuil de consommation sans risque, puisque les données scientifiques disponibles montrent une augmentation significative du risque de cancer dès la consommation moyenne d’un verre par jour. De plus, ce risque augmente avec la quantité d’alcool consommée [7]. Ainsi, quelle que soit la boisson alcoolisée, toute consommation régulière d’alcool, même à faible dose, représente un risque de développer un cancer.

NB : dans le dernier rapport du WCRF/AICR (2018), la consommation d’alcool inférieure à 2 verres standard par jour est associée à une diminution du risque du cancer du rein. Toutefois, les experts indiquent que les mécanismes qui pourraient expliquer une diminution du risque restent à clarifier, et rappellent l’importance de considérer également que la consommation d’alcool est associée à une augmentation de risque pour plusieurs autres localisations de cancer.

Focus sur les mécanismes

Plusieurs mécanismes peuvent expliquer l’augmentation du risque de cancers associée à la consommation de boissons alcoolisées. Le plus important est la transformation, dans l’organisme, de l’éthanol provenant des boissons alcoolisées en acétaldéhyde, qui est un composé génotoxique (qui attaque l’ADN) reconnu cancérogène pour l’Homme [6].

D’autres mécanismes, plus spécifiques à certaines localisations de cancer, entrent également en jeu [6] :

  • cancer des voies aéro-digestives supérieures (VADS) : l’éthanol augmente la perméabilité des muqueuses aux cancérogènes tels que ceux liés à la consommation de tabac (cf. paragraphe ci-dessous) ;
  • cancer du sein : augmentation des taux d’hormones stéroïdes circulantes (œstrogènes, androgènes) et stimulation de la multiplication des cellules mammaires ;
  • cancer colorectal : interférence avec le métabolisme des folates (vitamine B9) pouvant induire des modifications de l’ADN (son état de méthylation) se traduisant par des modifications d’expression de gènes favorables au développement de tumeurs ;
  • cancer du foie : l’alcool se trouvant en excès au niveau du côlon altère la perméabilité de la muqueuse intestinale, favorise le passage de toxines dans la circulation, qui provoquent des réactions inflammatoires au niveau du foie, pouvant évoluer en hépatite, cirrhose puis cancer.

Alcool et tabac : un risque accru

Les effets de l’alcool sont démultipliés lorsqu’ils sont associés à ceux du tabac. Les risques de cancers des voies aérodigestives supérieures (bouche, pharynx, larynx et œsophage) augmentent considérablement. Pour exemple, le risque de développer un cancer de la cavité buccale est multiplié par 45 chez les grands consommateurs de tabac et d’alcool [8].

Recommandations

En France en 2017, un nouveau repère de consommation pour l’alcool a été émis conjointement par l’agence Santé publique France et l’INCa. Ce repère, constitué de trois dimensions, vise à limiter les risques sur la santé au cours de la vie [9].

Sachant que toute consommation d’alcool comporte des risques pour la santé, pour les personnes choisissant de consommer de l’alcool, il est recommandé de :

  1. ne pas consommer plus de 10 verres standard par semaine ;
  2. pas plus de 2 verres standard par jour ;
  3. avoir des jours dans la semaine sans consommation.

En 2019, Santé publique France a intégré ce repère dans le cadre des nouvelles recommandations nutritionnelles destinées à l’ensemble de la population adulte française. Ainsi ce repère a été traduit de la manière suivante pour le grand public : il est conseillé de réduire sa consommation d’alcool, et de ne pas boire plus de 2 verres par jour et pas tous les jours [10].

Pour s’informer et se faire aider

Les personnes souhaitant limiter ou arrêter leur consommation d’alcool peuvent en discuter avec un professionnel de santé. Ce dernier pourra vous informer et, si besoin, vous orienter vers un centre de soins, d’accompagnement et de prévention en addictologie (CSAPA), qui peut proposer gratuitement un soutien ou un suivi individuel.

Il est également possible de bénéficier d’une écoute et d’un soutien :

Enfin, Santé publique France a développé un outil en ligne, permettant d’évaluer sa consommation hebdomadaire d’alcool en quelques questions : https://alcoometre.fr/

Consommation d’alcool en France

La consommation d'alcool est généralement estimée en nombre de verres par jour. Cette estimation est le reflet d'une consommation moyenne calculée par rapport aux déclarations des sujets inclus dans les études. Le verre standard est normalisé et correspond à environ 10 g d'éthanol pur, quelle que soit la boisson alcoolisée consommée :

En France, la consommation d’alcool diminue depuis de nombreuses années, essentiellement en lien avec la réduction de la consommation de vin. Cependant cette diminution est devenue assez faible depuis 2016.
En 2019, la consommation d'alcool est estimée d’après les données de ventes à 11,4 litres d’alcool pur par habitant de 15 ans et plus, ce qui représente environ 2,5 verres standard par jour. Le vin est l’alcool le plus consommé, devant les spiritueux et la bière (figure 1) [11].

Toutefois, la France reste l’un des pays les plus consommateurs d’alcool au monde et des pays de l’Union européenne, même si elle ne se situe plus en tête du classement.

Figure 1 : Quantités d’alcool mises à la consommation, en litres d’alcool pur par habitant âgé de 15 ans et plus, depuis 2000

Source : Insee, DGDDI, exploitation OFDT

D'après le Baromètre Santé [12], les comportements de consommation d’alcool en France sont très différents selon l’âge, le sexe, le département de résidence, le niveau d’étude et le niveau de vie.

En 2021, les adultes de 18-75 ans diplômés du supérieur ainsi que les plus aisés financièrement, dépassaient plus souvent les recommandations que les autres. Par ailleurs, les adultes résidant en Bretagne, Pays-de-la Loire et Auvergne-Rhône-Alpes dépassent plus souvent les recommandations.

Parmi les 18-75 ans, la consommation est plus importante chez les hommes. En effet, ces derniers sont plus de deux fois plus nombreux à dépasser les recommandations de consommation dans la semaine, que les femmes (31% et 14% respectivement). [12]

Concernant les modes de consommation, on observe un profil de jeunes adultes ayant une consommation excessive et ponctuelle les conduisant plus souvent à l’ivresse. Toutefois, depuis la crise de la COVID-19, on observe une diminution de la consommation moyenne d’alcool chez les jeunes et les personnes âgées.

NB : ces diminutions des consommations pourraient être dues à la raréfaction des occasions festives entrainées par les mesures sanitaires. Le suivi de ces tendances sur du long terme permettra de confirmer ou non ces résultats.

  • la consommation quotidienne d’alcool concerne un quart des individus au-delà de 65 ans, contre 2 % des moins de 25 ans ;
  • à l’inverse, plus de la moitié des moins de 25 ans déclarent avoir eu une alcoolisation ponctuelle importante* au cours des 12 derniers mois [13], contre 20 % des plus de 65 ans [14].

*Plus de six verres d’alcool en une seule fois

Consommation d’alcool : situation des adultes français de 18-74 ans

Plus précisément, pour hommes et femmes confondus : 19 % boivent plus de 2 verres d’alcool en une journée, 10 % boivent plus de 10 verres d’alcool par semaine et 8 % consomment de l’alcool plus de 5 jours par semaine.

   

Source : Baromètre Santé « Alcool » 2017 et 2020

Références

[1] Shield KD, Marant Micallef C, Hill C, Touvier M, Arwidson P, Bonaldi C, et al. New cancer cases in France in 2015 attributable to different levels of alcohol consumption. Addiction. 2018;113(2):247‑56.

[2] International Agency for Research on Cancer. Alcohol drinking. Lyon: IARC, 1988. (IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol. 44). Disponible sur : <monographs.iarc.fr> (Consulté le 07.12.2021)

[3] International Agency for Research on Cancer. Alcohol Consumption and Ethyl Carbamate. Lyon: IARC, 2010. (IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol. 96). Disponible sur : <monographs.iarc.fr> (Consulté le 07.12.2021)

[4] International Agency for Research on Cancer. Personal Habits and Indoor Combustions. Lyon: IARC, 2012. (IARC Monographs on the evaluation of carcinogenic risks to humans, Vol. 100E). Disponible sur : <monographs.iarc.fr> (Consulté le 07.12.2021)

[5] Institut National du Cancer. Nutrition et prévention primaire des cancers : actualisation des données. Boulogne-Billancourt : INCa ; 2015. Voir le rapport

[6] World Cancer Research Fund / American Institute for Cancer Research. Food, Nutrition, Physical Activity, and the Prevention of Cancer: a Global Perspective. Washington DC: AICR, 2018. Disponible sur : <www.wcrf.org> (Consulté le 07.12.2021)

[7] Bagnardi V, Rota M, Botteri E, Tramacere I, Islami F, Fedirko V, et al. (2015). Alcohol consumption and site-specific cancer risk: a comprehensive dose-response meta-analysis. Br J Cancer. 112(3):580–93.

[8] Zeka A, Gore R, Kriebel D. Effects of alcohol and tobacco on aerodigestive cancer risks: a meta-regression analysis. Cancer Causes Control. 2003 Nov;14(9):897-906.

[9] Institut National du Cancer, Santé publique France. Avis d'experts relatif à l'évolution du discours public en matière de consommation d'alcool en France, mai 2017. Disponible sur : <www.santepubliquefrance.fr> (Consulté le 07.12.2021)

[10] Santé publique France. Recommandations relatives à l'alimentation, à l'activité physique et à la sédentarité pour les adultes. Janvier 2019. Disponible sur : <www.santepubliquefrance.fr> (Consulté le 07.12.2021)

[11] OFDT. Les évolutions récentes de la consommation d’alcool en France et de ses conséquences. OFDT, 2020. Disponible sur : <www.ofdt.fr> (Consulté le 07.12.2021)

[12]  Andler Raphaël, Quatremère Guillemette, Gautier Arnaud, Nguyen-Thanh Viêt, Beck François. Consommation d’alcool : part d’adultes dépassant les repères de consommation à moindre risque à partir des données du Baromètre de Santé publique France 2021. Bull Epidémiol Heb. 2023;(11) :178-186. Disponible sur : <www.santepubliquefrance.fr> (Consulté le 16.06.2023)

[13] Lhosmot-Marquet Marie, Watroba Laurent, Fleury Laurent. Bull Epidémiol Heb. 2023;(11):172-177. Disponible sur <www.santepubliquefrance.fr> (Consulté le 16.06.2023)

[14] Andler R, Quatremère G, Gautier A, Soullier N, Lahaie E, Richard JB, et al. Dépassement des repères de consommation d’alcool à moindre risque en 2020 : résultats du Baromètre santé de Santé publique France. Bull Epidémiol Hebd. 2021;(17):304-12. Disponible sur : <www.santepubliquefrance.fr> (Consulté le 07.12.2021)